trisomie 21
5
Août

L’allaitement dans la différence

C’est très rare qu’un parent s’attende à donner naissance à un enfant à besoins particuliers. Nous n’étions pas dans la branche de personne à risque selon nos âges et nos antécédents, alors nous n’avons jamais poussé pour les tests génétiques avant ta naissance. On disait haut et fort qu’on t’aimerait, peu importe. Et c’est vrai.
C’est à 35 semaines d’aménorrhées que tu as décidé de venir nous rencontrer. En te retournant, après la période de peau à peau, j’ai remarqué ton petit côté spécial. Je crois que les infirmières m’ont entendu parler avec ton père, car, une fois en néonatalité, tu as été retourné de tous les côtés par les pédiatres pour trouver les signes physiques qui indiqueraient que tu vivrais avec la trisomie 21. Ce n’est qu’à 10 jours de vie que nous avons reçu le diagnostic, par erreur, d’un pédiatre qui croyait qu’on le savait déjà. Mais ça, c’est une histoire pour une autre fois.
Tu as eu de la difficulté avec ta première mise au sein. Juste avant d’aller en néonatalogie avec ton papa, l’infirmière m’a fait exprimer mon colostrum dans une cuillère pour te le donner. J’avais déjà un gros réflexe d’éjection, j’ai réussi à vous arroser, l’infirmière et toi. Oups!

Premier moments d’allaitement

Nous avons passé en tout une semaine en néonatalité. Toi et moi. La mise au sein était de mieux en mieux, mais tu te fatiguais rapidement et, même après 1 h 30 de tétée, tu ne prenais pas assez de poids. Ton taux de bilirubine pour ta jaunisse ne faisait qu’augmenter et tu devais passer une journée sur deux en photothérapie pour le faire descendre. Pour te faciliter la tâche, on m’a proposé de tirer mon lait et de compléter à la bouteille, question d’essayer de te faire prendre du poids plus rapidement. L’hypotonie au niveau de ta bouche faisait en sorte que la succion était difficile. On nous a aussi envoyés chercher une téterelle, voir si ça t’aiderait. Malheureusement, ce n’était pas encore ça. Nous avons donc continué l’allaitement avec un biberon de mon lait à la fin pour compléter. Ça fonctionnait bien. De retour à la maison, je suis allé me chercher un tire-lait manuel. J’avais assez de lait pour nourrir des triplés, alors je ne voyais pas l’utilité d’aller chercher un tire-lait plus dispendieux. Je ne connaissais pas encore toutes les ressources ni les options disponibles à l’époque. J’ai appris par la suite qu’un DAL aurait été possible, mais je ne crois pas que nos infirmières connaissaient cette technique.

Les obstacles à l’allaitement

Puis, tu as commencé à montrer des signes d’intolérances alimentaires. Beaucoup de mucus et de sang dans tes couches. À notre suivi en pédiatrie, nous en avons parlé et automatiquement, on nous a donné une prescription de formule commerciale hypoallergénique. Ce fut la fin de notre parcours de tire-allaitement. Tu devais avoir moins de trois semaines de vie. Malgré la formule, tu continuais de montrer des signes d’inconfort. On nous a donc référé à un gastroentérologue pédiatrique qui nous a donné une prescription pour, ce qu’il appelait, le lait du dernier espoir, avec une prescription pour aider à contrôler ton reflux.

Ce n’est qu’en parlant de tout ça avec ta physiothérapeute que nous avons découvert que ton reflux provenait possiblement de ta prise à la bouteille. Elle a été fantastique. Nous avons ajusté les exercices de mise en bouche pour les faire en portage et ainsi éviter les positions non recommandées pour les enfants hyperlaxes, comme toi. Nous avons fait de grands progrès de cette façon.

La liberté du choix

e n’est que trois ans plus tard, en suivant une formation d’accompagnement à la naissance, que j’ai découvert les risques de la formule commerciale. Je n’ai aucun regret. J’ai fait du mieux que je pouvais avec l’information que j’avais au moment où je devais prendre des décisions. Mais, je te dirais que j’ai un goût amer dans la bouche. Sachant déjà tes prédominances à plusieurs complications de santé, on ne nous a jamais offert de solution autre que la formule commerciale pour aider à gérer tes intolérances alimentaires. On ne nous a pas non plus expliqué les risques de l’utilisation de la formule pour que nous, en tant que parent, puissions faire un choix éclairé quant à ta santé. On ne saura jamais si continuer l’allaitement avec l’aide d’une IBCLC, d’une nutritionniste ainsi que ta physiothérapeute aurait pu nous éviter plusieurs complications et hospitalisations. Nous aurions peut-être pu profiter plus pleinement de ta première année de vie, mais notre système de santé est fait autrement. Les services sont toujours extrêmement difficiles à obtenir et on penche souvent pour la facilité. Mais, les ‘’peut-être’’ ne changeront pas notre parcours. Nous avons grandi de nos expériences et nous avons pu révolutionner le portage des enfants à besoins particuliers, toi et moi, en adaptant les techniques d’exercices de la bouche en allaitement et avec bouteille.

Rares sont les parents qui s’attendent à donner naissance à un enfant à besoins particuliers. Mais rares sont ceux qui regrettent leur choix.

Janny

Mère de Dylan vivant avec la trisomie 21.

**L’hypotonie, les allergies, les intolérances, les complications de santé, pour ne nommer que ceux-là, sont tous des caractéristiques des gens vivant avec la trisomie 21. L’allaitement est favorisant dans ce contexte. Il est difficile, parfois, de faire valoir nos droits, lorsque nous ne les connaissons pas.**